Un lampemètre ? Mais bon sang, c’est quoi un lampemètre ? Quel appareil se cache sous ce nom et comment en choisir un sans se perdre ? Suivez le guide.

☠️⚡ Avant de commencer, une note importante : les appareils de mesure destinés aux lampes, comme les lampemètres dont il va être question, délivrent TOUS des tensions et des courants capables de vous tuer. Ce sont des appareils anciens qui n’offrent en général AUCUNE sécurité pour l’utilisateur. Si vous n’avez aucune notion des dangers que représente l’électricité, n’allez pas plus loin. En tant qu’auteur, je décline toute responsabilité en cas d’utilisation des informations ci-dessous entraînant des dégâts matériels ou des blessures quelconques. ☠️⚡

 Comme à mon habitude je commencerais cet article en attrapant mon Dictionnaire Mémento D’Électronique :

« Lampemètre : appareils servent à contrôler les lampes et à mesurer leurs caractéristiques. Ce sont des appareils extrêmement complexes qui doivent replacer un tube dans ses conditions de fonctionnement en intercalant des galvanomètres entre chaque électrode et son alimentation. Les appareils du commerce sont la plupart du temps sommaires et ne donnent que des indications approximatives. »

Les auteurs ne sont clairement pas là pour faire dans le marketing. Effectivement, il existe un fossé énorme entre ce que devrait être théoriquement un lampemètre et ce qu’on trouve sur le marché.

Je n’entrerai pas dans les détails du fonctionnement d’un tube électronique, mais pour en tester un, il faut pouvoir alimenter toutes ses électrodes : son filament, son anode, sa ou ses grilles et polariser le tout. On doit pouvoir ensuite mesurer la tension et le courant au niveau de chaque électrode. Comme il existe une quantité invraisemblable de tubes différents, il existe également une quantité de réglages virtuellement infinie. Il faut donc que tous ces réglages soient… réglables. Du circuit du tube lui même, chaque brochage est différent, à la tension d’alimentation de la grille écran.

Il existe donc plusieurs familles de lampemètres :

  • les testeurs de filament
  • les testeurs d’émission
  • les testeurs plus complets
  • les analyseurs

Détaillons chacun d’entre-eux.

Les testeurs de filament

Ce type de « lampemètre », ou plutôt de testeur, se trouve encore sur le marché de l’occasion et ne teste absolument rien, à part que le filament n’est pas franchement coupé. On retrouve sur ce genre d’appareil le plus souvent quelques supports, une ampoule en série et un ou deux boutons. L’ampoule est allumée : le filament n’est pas coupé, l’ampoule est éteinte : vous avez compris.

Un tube checker Sound Master TC-5

À éviter comme la peste, proche du néant au niveau sécurité. Ils peuvent parfois êtres jolis en déco quand ils datent des années 30.

Prix moyen : autant qu’on vous le donne pour de la décoration.

Les testeurs d’émission ou « bad – good »

Voici une nouvelle famille qui embarque la « technologie » précédente en plus de tests possible de courts-circuits internes et d’un test d’émission. On vient chauffer le filament à la tension adéquate avant de réunir les autres électrodes du tube ensemble (cathode + grille(s)), on applique ensuite une tension entre ces éléments réunis et l’anode. On vient intercaler un milliampèremètre dans le circuit d’anode afin de mesurer le courant débité et qui doit indiquer la qualité émissive de la cathode. 

"circuit for measurement of cathode emission"

Testeur d’émission, on voit les électrodes groupées à l’anode

Le principal problème de ces lampemètres vient du fait que la mesure est complètement empirique et que pour établir les résultats attendus dans la documentation, plusieurs subterfuges sont utilisés comme une tension anodique très basse ou une alimentation en alternatif du tube en test, ce dernier servant de redresseur. Bref, on est loin des conditions normales de fonctionnement. On reconnaît ces testeurs à la graduation de leur galvanomètre qui utilise une échelle alternant le rouge (bad ou mauvais), le jaune (? ou à rejeter) et enfin le vert (good ou bon).

Ce genre de testeur peut néanmoins être utilisé pour trier basiquement des tubes avant de pousser plus en avant les tests sur d’autres appareils de mesure ou directement dans l’appareil à retuber.

On trouve beaucoup de modèles américains de ces lampemètres basiques sous les marques Heathkit, Jackson, Hickok… et sous des marques françaises comme Cartex ou Eurelec.

Sylvania Tube Tester Type 220

Testeur d’émission Sylvania

Attention néanmoins, de nombreux testeurs d’émission se cachent sous des noms ronflants qui sentent bon le marketing. Gardez également en tête qu’ils ne disposent, dans la plupart des cas, d’aucun dispositif de sécurité pour les tubes et pour vous-même. À ne pas acheter si on a un doute.

Prix moyen : moins de 100 € à 200 € (plus, c’est vraiment du luxe…)

Les testeurs plus complets

Cette famille regroupe des testeurs qui ne se contentent plus de seulement regrouper les électrodes pour faire un test d’émission. 

Prenons l’exemple d’un lampemètre français comme le Metrix 310. Pour tester une lampe celui-ci offre :

  • un circuit « filament » qui permet d’alimenter le filament en alternatif de 0 à 117 V
  • un circuit « grille » qui délivre une tension continue de 0 à 50 V permettant de polariser la lampe en essai
  • des circuits « écran 1 » et « écran 2 » qui délivrent des tensions alternatives réglables destinées à alimenter les grilles-écrans (screen grids) de 0 à 300 V
  • un circuit « anode » basé sur le même principe que les circuits écran, dans lequel s’intercale un milliampèremètre qui va permettre de mesurer le courant anodique

On le voit, chaque électrode est traitée séparément. L’appareil permet donc de placer la lampe en test dans des conditions proches d’une utilisation normale.

Metrix 310 TR

Metrix 310 dans sa version TR (tropicalisé) – Source Hifi Vintage

Néanmoins, l’utilisation de tensions alternatives directement prélevées au secondaire du transformateur de sortie ne permet pas une bonne précision. Les fluctuations du secteur doivent être compensées, c’est pourquoi ces appareils sont toujours équipés d’un réglage permettant le « tarage secteur » (line adjustment).

L’utilisation de tensions sinusoïdales égales en valeur efficace aux tensions continues nécessaires donne lieu à un calibrage particulier, en effet la valeur affichée est en fait (environ) 10 % inférieure à celle qu’on devrait obtenir en continu. 

Malgré les points notés ci-dessus, ces appareils sont assez précis et permettent de tester avec assez de sérieux la plupart des lampes. On retrouve également dans cette famille les « pentemètres » qui permettent de mesurer la pente en mA/V, option intéressante pour appairer les tubes.

Cette famille rassemble de nombreux modèles sous les marques françaises, américaines, britanniques, allemandes… Pour ne citer que quelques modèles dignes d’intérêt : Metrix 310, Centrad 752, Hickok TV7/U… La liste est longue.

Prix moyen : pour un modèle en bon état de fonctionnement, il faut compter 300 à 600 € pour les modèles esthétiquement parfaits.

Avant de passer à l’achat, pensez toujours à vérifier sur internet que vous trouverez facilement :

  • la notice complète
  • les schémas
  • éventuellement les instructions de calibration

Pour en savoir plus sur les lampemètres Metrix, c’est ici.

Les analyseurs

On entre ici dans la dernière sphère, celle des appareils de laboratoire, par forcément faciles à utiliser tellement ils sont complets.

Ils sont tous basés sur un même principe : 

  • une alimentation alternative variable et ajustable pour les filaments
  • au moins trois alimentations continues variables capable de délivrer 100 mA ou plus (c’est mieux, surtout pour l’anode)  pour alimenter grilles écrans et anode
  • une alimentation variable continue pour polariser la lampe en test
  • un galvanomètre par électrode permettant de mesurer la tension appliquée.
  • au moins un milliampèremètre continu permettant de tester le courant anodique et les courants de grille

Le plus connu en France est le Metrix U61 qui ressemble à un tableau de commande d’un sous-marin. Sa seule limitation : le courant anodique plafonné à 100 mA sous 300 V, ce qui est un peu léger pour des gros tubes comme les KT88 ou les EL34 par exemple. Comme l’indique sont manuel, la partie lampemètre à proprement parler, c’est qu’une fraction de l’appareil.

Analyseur de lampes Metrix U61

Analyseur de lampes Metrix U61 – Source Gilbert Guillotin

Quoi qu’il en soit ce genre d’appareil permet de tout tester, de A à Z. Il est néanmoins long à régler et sert à 100 % que dans le cas d’une utilisation en laboratoire, pour effectuer des tests précis.

On retrouve dans cette famille le fameux Metrix U61 et son introuvable pont 661 qui permet en bonus de mesurer pente et résistance interne « facilement ». L’anglais AVO « Valve Tester », qui permet lui de monter jusqu’à 400 VDC sur l’anode tout en offrant une mesure de la pente dans un format « compact » même si l’engin est massif.

Il existe bien sûr des cas isolés d’appareils complètement dingues comme le Soviétique L3-3 (que je vous laisse découvrir par vous-même) ou des fabrications artisanales conçues autour de différentes alimentations capables de délivrer 500 mA sous 500 V (oui, 250 Watts)… Attention les doigts, c’est la mort assurée en cas de fausse manipulation ☠️

Mais comment choisir ?

Pas facile de s’y retrouver ? En gros, si vous voyez sur l’objet de vos désirs que la tension anodique et que la tension de grille (ou la polarisation) sont réglables jusqu’à au moins 300 V, vous êtes sur une bonne piste pour ce qui est d’un lampemètre. Pensez également à vérifier que tous les supports les plus courants sont bien présents : octal (pour les 6L6, EL34, GZ34 et compagnie), noval (EL84, EF86, 12AX7…) et éventuellement un support 7 broches. Après, à vous de voir ce que vous avez l’habitude de tester.

Pour ma part, je peux vous conseiller de partir (pratiquement) les yeux fermés sur un lampemètre Metrix 310 (« TR » pour la version militaire haute qualité) en parfait état de marche ou un Hickok TV7/U qui sont des appareils : relativement facilement transportables et bien pensés que ce soit au niveau de leur fonctionnement comme de leur maintenance. La documentation disponible sur ces appareils est pléthorique et vous trouverez facilement des personnes qui pourront vous aider à les réparer en cas de pépin. Pour le TV7/U, assurez-vous d’être parfaitement à l’aise avec la langue de Shakespeare.

Enfin, il existe des solutions modernes comme des lampemètres basés sur des alimentations par impulsions qui permettent d’atteindre des valeurs de test hautes sans l’encombrement de transformateurs d’alimentation géants. Ce sont des solutions intéressantes pour ceux qui aiment le bricolage DIY. Vous pouvez jeter un œil à l’excellent travail d’Alain Ducrocq qu’on peut retrouver en kit facilement sur internet, ou encore le superbe projet µTracer de Ronald aka DOS4EVER juste ici.

Tektro-Conclusion

Elle sera fournie, mot pour mot par Tektronix qui indiquait toujours dans ses manuels d’utilisation :

« La meilleure façon de tester des lampes est de les placer dans le circuit pour lequel elles sont destinées et de mesurer leurs caractéristiques. »

J’ajouterais juste qu’il est quand même bon de vérifier qu’aucun court-circuit interne n’existe avant…

  • Références :
    • Coyne. Latest Instruments for Servicing Radio-Television. Chicago. 1954
    • R.Brosset P.Fondanèche. Dictionnaire mémento d’électronique. Éditions Dunod. 1969